Discuter seulement de l’efficacité des méthodes répressives, comme celle dite de la circulation alternée, ne suffit pas. Nous devons poser des problèmes de fond concernant la mobilité urbaine et celle des flux dont vivent nos villes.

La circulation alternée, retenue par plusieurs villes cette semaine pour faire face aux pics de pollution, permet d’illustrer comment nous devons changer nos façons d’aborder les problèmes et de les régler, nos façons de penser et d’agir.

Le phénomène étant amené à se reproduire, l’occasion est excellente pour insister, comme le font nombre d’articles, notamment dans Le Monde, sur des mesures à plus long terme. Retenons, par exemple :

  • Toutes les formes d’encouragement aux déplacements à pied ou en vélo ;
  • La suppression des voies rapides dans les grandes agglomérations ;
  • La limitation de vitesse ;
  • Le péage urbain, comme à Stockholm, Londres, Oslo, Milan ou Dublin. Il peut réduire le trafic automobile de 15% à 20%.
  • La promotion des véhicules électriques et l’objectif, à relativement court terme, de supprimer ceux qui polluent le plus en commençant par le diesel.
  • On peut ajouter la vision optimiste (et pas fausse) des véhicules sans chauffeur qui permettent d’envisager une réduction de la circulation puisque 30% (en moyenne) des voitures occupant de l’espace dans les rues de nos villes sont en train de chercher une place de parking.
  • Nous pouvons même envisager une ville dans laquelle on sera moins tenté d’être propriétaire de sa voiture puisque une app téléchargée sur nos téléphones mobiles les appellera d’un clic avant de les renvoyer se garer où elles veulent à disposition d’un autre utilisateur.
  • Mais rien de tout cela ne sera très utile sans un changement de comportements issue d’une prise de conscience des individus encouragée par une pédagogie commençant à l’école et relayée par la société civile. Cela va de la marche au télétravail et au covoiturage.

Nous pouvons faire encore mieux en revoyant nos conceptions plus au fond. Deux exemples :

  • En s’en prenant aussi au chauffage, deuxième secteur contribuant à l’émission de particules fines, mais pas seulement en encourageant, comme le fait Grenoble, par exemple, le remplacement des appareils au bois par d’autres plus efficaces. Un vrai saut consiste à se concentrer sur l’efficacité énergétique au niveau du quartier telle que l’envisage, parmi d’autres, le projet européen Celsius dans les villes de Londres, Rotterdam, Göteborg, Cologne et Gênes.
  • En promouvant des agglomérations dans lesquelles on a moins à se déplacer. C’est relativement facile pour les villes nouvelles comme à Songdo en Corée où les gens sont sensés vivre à 10 minutes en bicyclette de leur lieu de travail, de l’école de leurs enfants et d’un centre commercial. Mais cela vaut aussi pour certains quartiers nouveaux comme la Confluence à Lyon. Les technologies de l’information peuvent contribuer amplement à réduire le nombre de déplacements à faire, mais c’est l’urbanisme lui-même qui doit changer ses priorités.

En conclusion :

  • Il ne faut pas s’interdire d’interdire mais surtout pas s’en contenter.
  • Nous ne pouvons plus aborder les problèmes sérieux qu’en ayant recours à toute une gamme d’éléments à impact positif mais partiel ;
  • Nous ne pouvons plus compter sur les seules décisions de l’État ou des autorités. Nous devons y mettre du nôtre, individuellement comme en groupe.

Ces problèmes dépassent largement les affrontements politiciens droite-gauche et ne sont pas solubles dans les promesses électorales. Aucune mesure n’est exempte d’inconvénients dans des registres éventuellement éloignés. Exemple : la vraie richesse, le vrai développement des villes, reposant sur les flux qui passent par elles, toute réduction de la mobilité risque de les affecter. Il ne suffit donc pas de passer du coercitif au préventif, ni de réduire le besoin de mobilité. Il faut préserver les flux, tenir compte de dimensions autres, choisir, suivant les lieux et les moments, quoi privilégier. Le vrai défi est d’arrêter de promettre des solutions pour proposer des choix, jamais simples.

 

Une version de ce billet a été publiée sur le site du Monde.fr le 12 décembre 2016.

Photo Flickr (Pollution in Paris) 

J’enquête, je suis et j’analyse les technologies de l’information et de la communication depuis la préhistoire (1994). Piqué par la curiosité et l’envie de comprendre ce que je sentais important,...