Uber, que nous avons salué à ses débuts parce qu’elle offrait une alternative au marché ranci et aux pratiques grossières de certains taxis (notamment parisiens) s’attire les foudres d’un nombre croissant de personnes du fait de ses pratiques antisociales et anti compétitives. Un petit tour par Singapour nous montre qu’il y a un modèle alternatif, c’est à dire qu’il offre des services comparables sans les inconvénients.

Tous les Singapouriens connaissent Grab une entreprise locale qui s’est lancée sur le marché en offrant une app pour obtenir un taxi (comme Hailo, MyTaxi ou EasyTaxi entre autres). Forte de son succès la société (créée par deux Malais qui se sont rencontrés a la Business School de Harvard) a élargi son offre avec un système de partage de voitures et de motos, une plateforme de covoiturage appelée Grabpitch, des services de coursiers (GrabExpress) et de livraison de nourriture. Elle a aussi signé un accord avec nuTonomy qui permet de commander, toujours avec la même app, une voiture sans chauffeur. Elles sont, pour le moment, cantonnées dans un quartier nord de la ville avec un chauffeur qui ne touche pas le volant. Leur zone d’action s’étendra bientôt.

Mais l’intérêt principal de Grab est qu’elle repose sur un modèle alternatif à Uber.

D’après Shuo Yan Tan, du centre de recherche et développement de cette entreprise « notre avantage compétitif clé est que nous sommes vraiment localisés. Nous comprenons ce que les clients veulent, nous travaillons bien avec les chauffeurs. Et nous passons des accords avec d’autres acteurs régionaux qui connaissent vraiment bien leurs marchés ».

Il se trouve que cette image conçue pour les relations publiques correspond mieux à la réalité qu’on ne pourrait croire. Grab se soucie de la formation de ses chauffeurs et a même créé une académie à cet effet.

« Nous savons qu’ils sont libres de venir et de partir » explique Shuo Yan Tan. « Nous sommes là pour les servir, pour nous assurer que leurs revenus augmentent, pour protéger leur niveau de vie, en leur achetant des assurances si besoin est. Nous avons même créé une GrabSchool pour les enfants des chauffeurs et une plateforme pour leurs permettre de développer leurs soft skills [leurs compétences de communications et de relations interpersonnelles] ». Ça permet, par exemple aux chauffeurs de bus, qui souvent viennent de Chine, de mieux traiter les passagers.

Rien à voir avec les pratiques d’Uber Mais l’aspect le plus intéressant tient au modèle choisit pour s’étendre. Grab a, en effet, passé des alliances avec des entreprises comparables dans six pays dont Didi en Chine, Ola en Indes et Lyft aux États-Unis. La connexion a été établie grâce à la participation d’un investisseur commun, le japonais Softbank.

A la fin de l’année tout utilisateur de Grab se trouvant dans un de ces six marchés pourra appeler une voiture à partir de son application singapourienne, et vice versa bien entendu. Comme avec Uber.

C’est ainsi que l’on voit émerger un modèle authentiquement différent, une véritable alternative à la plateforme globale centralisée qu’est Uber. Il s’agit de plateformes locales connectées les unes aux autres tout en restant plus proches de leur population de départ. Une sorte de mise en réseaux d’entreprises qui étendent les avantages de leur service local à d’autres pays et régions. Les tentatives de centralisation au niveau planétaire ne manquent pas. Elles ne sont pas pour autant la seule solution.

 

Une version de ce billet a été publiée sur le site du Monde.fr le 25 novembre 2016.

Photo Epsos (Voitures circulant dans Singapour. Photo epsos.de [CC BY 2.0] epsos.de/Picture-of-Automatic-Robot-Cars-in-Traffic)

J’enquête, je suis et j’analyse les technologies de l’information et de la communication depuis la préhistoire (1994). Piqué par la curiosité et l’envie de comprendre ce que je sentais important,...