En ces temps de démocratie trop souvent menacée les espaces publics sont le lieu de propositions et parfois d’affrontements symboliques essentiels. On le voit à New York, Djakarta, plein de villes espagnoles et même à propos du type d’espaces verts dont nous avons besoin.

Nous avons besoin d’espaces verts « sauvages »affirme le paysagiste Angus Bruce. Il estime que les « moins structurés sont plus attirants […] il y a un désir pour des espaces définis mais pas contrôlés […] Les gens n’ont pas besoin d’être parqués ni qu’on leur dise comment et où s’asseoir, se tenir debout ou jouer. Ils veulent décider de leur propre expérience et être attirés par la façon dont les autres interprètent l’espace ». C’est facile quand on est australien, mais il s’appuie sur des exemples qui vont du Bryant Park de New York au redéveloppement de la rivière Huangpu de Shanghai. Et les britanniques sont d’accord. Pas pour combattre les jardins à la française ! Parce qu’ils en profitent pour demander plus de participation citoyenne à la conception et mise en œuvre des espaces verts urbains.

La « thérapie du métro » consiste à permettre aux passagers de s’exprimer par post-it sur les murs du tunnel qui connecte les stations de métro de 14ème Rue et de 7ème Avenue. Conçue par l’artiste Matthew Chavez elle a vu un déferlement d’émotions à la suite de l’élection de Donald Trump. Dans la même veine le Project for Public Spaces (PPS) rappelle que les manifestations sont essentielles à la démocratie… et qu’elles ont lieu dans des espaces publics. On en a vu récemment à New York, Los Angeles, San Francisco, Oakland, Portland, Seattle et Chicago ainsi que dans d’autres villes de moindre importance et même à Berlin comme à Londres ou Marakech. Il ne s’agit plus seulement d’occuper la rue mais de communiquer sur ce qui s’y passe. Les outils permettant la surveillance – nos téléphones moviles – se transforment en « source de force pour les manifestants […] si l’on pense que nous pouvons rendre compte nous-mêmes de nos activités ».

Les combats de noms de rue… remplacent avantageusement ceux de la guerre civile espagnole. Ils ont pour objectif d’effacer les vestiges de la victoire franquiste qui a donné des noms de généraux ou hommes politiques de son camp à trop de voies publiques. L’accès aux municipalités d’élus de Podemos (le mouvement issu des Indignados) se traduit souvent par des changements de plaques. Une bonne occasion pour y introduire plus de noms de femmes trop souvent ignorées. À Léon, par exemple, plusieurs noms ont été soumis au vote populaire. On y trouve l’artiste peintre mexicaine Frida Kahlo et l’auteure états-unienne Jane Austen. Mais la plus populaire est Ángela Ruiz Robles une professeure de la ville qui a mis au point, en 1949, le premier prototype de liseuse électronique.

Jakarta élimine un espace cher à sa culture. Désireuses de construire un nouveau centre d’affaires, les autorités viennent de détruire les maisons de 400 familles et de repousser par la force les vendeurs de rue habituels du Fatahillah Square, traditionnellement « un centre animé de la culture et la vie nocturne ». C’est d’autant plus dommage que la capitale de l’Indonésie compte déjà 170 centres commerciaux et manque dramatiquement d’espaces publics. Lors de ma visite il y a trois ans j’ai eu l’essentiel de mes rendez-vous dans des « malls ». Avec, comme compensations, de l’air conditionné et des restaurants et cafés tenus d’offrir un wifi gratuit. Bien, mais beaucoup moins qu’un authentique espace public.

 

Une version de ce billet a été publiée sur le site du Monde.fr le 30 novembre 2016.

Photo Wikipedia (Vue sur le Champ de Mars depuis la tour Eiffel, à Paris. Wikimedia CC BY-SA 3.0)

J’enquête, je suis et j’analyse les technologies de l’information et de la communication depuis la préhistoire (1994). Piqué par la curiosité et l’envie de comprendre ce que je sentais important,...