Un monde sans info ?

Les assassinats de journalistes sont assez fréquents pour qu’on s’interroge sur la possibilité d’un monde sans info. C’est le sens de la journée organisée le dimanche 2 novembre par RFI, avec le soutien de l’ONU, à la mémoire de ses deux envoyés spéciaux Ghislaine Dupont et Claude Verlon assassinés un an plus tôt au Mali.

Fait impressionnant, les thématiques couvertes par les journalistes assassinés dans le monde depuis 1992, sont dans l’ordre : politique, corruption et guerre, qui n’arrive qu’en troisième position. Dans 88% des cas les assassins ont bénéficié d’une impunité totale.

Ces faits désolants s’ajoutent à d’autres menaces contre l’information (évoquées sur l’Atelier des Médias) que nous ne pouvons ignorer. Quand tout le monde peut publier, même les objets (et les robots), le risque n’est pas un monde sans info.

Nous sommes tous des médias. Présidents et ministres tweetent à tout de bras. Les grosses boîtes nous inondent de leur version produite par leur département de relations publiques. Les plus cyniques (pas seulement en Russie ou au Levant) sont passés maîtres es-communication et lancent leurs mensonges avec virtuosité. Ça marche.

Nous sommes inondés d’infos dont une grande partie est sans valeur et le reste rarement vrai. La difficulté n’est pas de trouver des infos, mais de filtrer celles qui valent la peine. Une partie de la faute incombe aux journalistes et aux médias.

Ils sont censés donner la parole aux deux côtés de toute affaire même quand ils savent que l’un deux, voir les deux, mentent. C’est tellement insupportable que le nouveau rédacteur en chef chargé de couvrir le changement climatique pour le New York Times déclare avoir décidé « de ne pas prendre aux sérieux » ceux qui prétendent que la science du climat est une farce. Ce qui ne l’empêchera pas de faire leur place aux incertitudes concertant l’étendue du drame et la vitesse à laquelle il arrive.

Après des dizaines d’années d’excès d’un journalisme de l’offre où nous ne faisions pas attention à ce qui intéressait les gens, nous sommes dans la dictature du journalisme de la demande, où tout est déterminé par le buzz. L’équilibre semble difficile à trouver.

Paradoxe : on peut même se demander si un monde « sans info » ne serait pas préférable. Rare, par définition, toute info qui parviendrait à circuler vaudrait cher. Nous lui accorderions la plus grande importance ce qui lui redonnerait de la valeur

Aujourd’hui, par contre, il y a tant d’infos que la valeur de chacune tend vers zéro. Qu’est-ce qui est plus grave ? Faut-il désespérer pour autant ? Jamais.

Mais être conscient ne fait pas de mal.

Moins sans doute que les évolutions économiques et politiques, les TIC ont leur part de responsabilité. Mais, bien les utiliser permet aussi de parier – sans se faire d’illusion – sur le fait qu’il y a assez de gens qui ont envie et besoin de savoir, et qui ont les moyens d’informer. Reste à collaborer avec eux en nous aidant mutuellement à mieux utiliser les outils et à développer notre esprit critique. Un vrai combat tous azimuts de tous les instants.

A lire aussi sur le site de l’Opinion

Crédit photo : 멍충이/Flickr/CC

J’enquête, je suis et j’analyse les technologies de l’information et de la communication depuis la préhistoire (1994). Piqué par la curiosité et l’envie de comprendre ce que je sentais important,...