Je reviens de quatre villes asiatiques innovantes. Entièrement nouvelle, Songdo est encore en construction en Corée du sud. Les autres — Séoul, Singapour et Hyderabad en Inde — s’efforcent de le devenir, intelligentes, en partant de réalités incroyablement différentes, qu’il s’agisse de la taille (10 millions dans une agglomération de 25 millions pour Séoul, 5,5 million à Singapour et 9 millions pour Hyderabad) ou du niveau de développement (Singapour est la ville la plus riche du monde. Hyderabad en est loin).

La leçon la plus claire, parce qu’elle s’applique à tout ce que je découvre après m’être intéressé technologies de l’information à San Francisco, puis à l’innovation de par le monde, m’a été donnée par Mamtha Reddy, professeure à la Indian School of Business d’Hyderabad.

Frappé par l’incroyable différence de niveau de de développement avec les autres villes que j’avais visité, mais convaincu qu’on a toujours quelque chose à apprendre des expériences des autres, je lui ai demandé ce que sa ville avait à enseigner au reste du monde. Elle m’a répondu sans hésiter une seconde « la compréhension de la complexité ».

Dans le cas de l’Inde cela s’accompagne d’une énormité qui dépasse l’entendement. Sait-on qu’entre les élections de 2009 et celles qui vont avoir lieu dans quelques semaines le nombre de nouveaux inscrits – je dis bien, ceux qui ne pouvaient pas participer il y a 5 ans – s’élève à 100 millions.

Il y a 23 langues officielles dans une partie ou l’autre du pays et Hyderabad possède. À côté de ses 55% d’Hindous, une large population musulmane d’obédience chiite (plus de 40%). Un fabuleux laboratoire pour comprendre ce qu’il y a de plus difficile quand on s’intéresse aux villes.

Deuxième idée clé : il est facile de critiquer les villes nouvelles qui prétendent être intelligentes (et elles doivent l’être car leurs déficiences sont manifestes) mais l’Asie ne peut pas penser le futur sans la création d’agglomérations urbaines. Autant qu’elles soient intelligentes. La question est de savoir comment les construire et la seule façon d’y répondre est d’essayer. Mais au lieu de se demander ce qu’elles doivent être il faut peut-être s’interroger sur les processus de construction.

« Le problème avec les promoteurs », m’a expliqué Jong-Sung Hwang, ancien responsable de l’information (Chief Information Officer) pour la ville de Séoul, « est qu’ils abandonnent la ville après l’avoir vendue ». Une réaction fondée sur l’expérience dont je trouve l’écho dans une récente chronique du Guardian par Gary Graham, qui a étudié le sujet à Boston, et pour qui « les gens qui vivent dans les villes sont bien plus nombreux que ceux qui prennent des décisions sur ce à quoi elles devraient ressembler dans le futur. Ils sont déconnectés des plans établis en leurs noms par les entreprises et même par les gouvernements. »

Reste les technologies de l’information et de la communication sans lesquelles il est difficile de rendre nos villes vraiment plus intelligentes. Si elles ne sont, en soi, la solution d’aucun problème, elles peuvent jouer un rôle essentiel dans l’amélioration de nos villes. Tous mes interlocuteurs en sont convaincus. Mais nous ne pouvons pas tout miser sur les données (la tendance dominante aujourd’hui).

L’autre dimension essentielle des TIC est qu’elles permettent la communication horizontale et donc la participation, voir la collaboration. Les grosses boîtes qui promeuvent les villes intelligentes parient sur le premier aspect. Nous devons pousser le second.

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Crédit photo : Ryan/Flick/CC

J’enquête, je suis et j’analyse les technologies de l’information et de la communication depuis la préhistoire (1994). Piqué par la curiosité et l’envie de comprendre ce que je sentais important,...