A défaut d’une vraie politique de ville intelligente Mexico s’est dotée d’un laboratoire pour « créer une culture de collaboration entre la société civile et la municipalité », m’a expliqué Gabriella Gomez-Mont qui en est la responsable.
« Nous fonctionnons comme un think tank créatif doté d’amples attributions transversales », a-t-elle poursuivi lors d’un entretien dans ses locaux. Autant dire qu’elle n’a pas de budget mais qu’elle peut travailler directement avec les directions de la municipalité qui le veulent.
Générer dialogues et complicités
Tout récent, le LabPLC (Lab pour la cité, @LabPLC) a été créé en mars dernier comme un « espace expérimental » pour penser et créer la ville de demain en « générant dialogues et complicités entre la municipalité, la société civile, le secteur privé et les ONG » explique le site officiel.
Superbe intention, dont il est trop tôt pour mesurer les réalisations.
Restent les projets et les propositions. Le LabPLC en a 7 qui vont de la conception du gouvernement comme plateforme au développement de la résilience (capacité de renaître après une catastrophe), essentielle en raison des « caprices géologiques », c’est-à-dire des tremblements de terre, m’a expliqué Gomez-Mont.
« La crise est un ennemi commun »
Sur ce dernier point, par exemple, le Lab travaille avec Ushahidi.com (la plateforme de crowdmapping kenyane qui a fait ses preuves en Haïti et à Fukushima, entre autres) pour concevoir des scénarios d’intervention de la société civile à la suite d’une crise grave. L’idée est de mettre en place de façon prévisionnelle une infrastructure sociale reposant sur des personnes engagées dans le travail communautaire.
On mise sur le fait que « la crise est un ennemi commun » qui contribue à la « réémergence de l’espace social ». C’est ce qui s’est passé lors du tremblement de terre de 1985, comme j’ai pu le constater sur place à l’époque. Mais la difficulté consiste, en l’occurrence, à y travailler avant, c’est-à-dire, sans ennemi commun, sans catastrophe.
Le LabPLC est accorde en fait assez peu d’importance aux technologies de l’information et de la communication. « Il faut mettre en échec le terme de smart city, estime Gomez-Mont, utiliser les TIC sans céder à l’offre de déploiement d’une infrastructure massive. »
Un espace de dialogue public sur la terrasse
Cohérente avec son discours, elle a commencé par créer un espace de dialogue public sur la terrasse du LabPLC. Mais la technologie n’est pas absente puisque la municipalité se prépare à organiser un « Festival de data » pour la création d’apps de traitement des données fournies par la politique de « ville ouverte » de Mexico.
Le Lab emploie même des développeurs dans le cadre du programme « Code pour la ville de Mexico ». Chargés de mettre au point des applications pour les directions qui le demandent, ils en ont développé une, par exemple, qui permet de trouver des cliniques où se soumettre à des tests de détection du VIH-Sida.
« Nous les appelons programmeurs citoyens », m’a expliqué Mario Ballesteros, chargé de la communication du Lab. Et l’idée va loin. A l’infrastructure en câbles et serveurs proposée par les grandes boîtes (IBM, Cisco et les autres), il oppose la notion de « soft infrastructure » faite des talents citoyens connectés. « Tout ne peut pas être abordé à un niveau macro. Les changements à petite échelle comptent beaucoup dans la façon dont les choses bougent et peuvent avoir un impact énorme au bout de quelques années. »
Le pari de la participation citoyenne
Autant compter sur l’effet papillon pour faire bouger la société. N’est-ce pas le rêve de tous les activistes qui ne luttent pas directement pour la prise de pouvoir ? Dans le débat sur la transformation de nos villes, Mexico prend le pari de la participation citoyenne face à la mise en place d’infrastructures lourdes. Mais sans y mettre d’argent.
Cela pourrait être, malgré tout, une bonne façon de poser le problème à deux conditions : ne pas trop prendre de retard dans la mise en place des outils informatiques clés, et créer une authentique culture et pratique de la participation, dans la société comme au niveau du gouvernement.
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Crédit photo : site Laboratorio Para La Ciudad