Acquérir des compétences plus que des connaissances

Kalibrr, la première startup philippine passée par Y Combinator – la mère de de tous les accélérateurs -, vient d’obtenir 1,9 million de dollars de différents investisseurs, dont le réseau de Pierre Omidyar, co-fondateur de eBay.

Une plateforme pour demandeurs d’emploi

Il s’agit d’une plateforme pour faciliter la préparation des demandeurs d’emploi et leur mise en relation avec les entreprises spécialisées dans l’externalisation de « business process », les processus métiers. Mais la solution proposée pourrait inspirer tous les pays ayant un problème d’emploi.

L’idée de Paul Rivera, le patron et co-fondateur que j’ai interviewé à Manille en août 2012, consiste « à se consacrer aux gens qui cherchent un travail plutôt qu’à les préparer pour les études ».

Les Philippines, centre mondial pour l’externalisation des processus métiers

CrunchBase, une bonne base de données pour les jeunes pousses technologiques, présente Kalibrr comme « la Khan Academy for jobs », une plateforme online pour acquérir des compétences plus que des connaissances. La proposition pourrait jouer un grand rôle aux Philippines qui, depuis 2010, ont dépassé l’Inde comme principal centre mondial pour l’externalisation des processus métiers.

L’approche, et les innovations qu’elle contient, sont également susceptibles d’avoir un certain retentissement dans les pays où les qualifications sont mal adaptées aux demandes. Un des secrets du succès allemand qui commence à intéresser les Américains n’est-il pas le bon vieil apprentissage.

Des tests sur la logique et l’esprit critique

A Manille, Kalibrr.com fait le pari des technologies de l’information, de l’intelligence artificielle, et des réseaux sociaux.

Rivera, qui est passé par Berkeley, puis par Google, et son équipe ont construit une « plateforme pour attirer, évaluer, former et recruter les candidats » auxquels, sans cela, les employeurs n’auraient pas accès, peut-on lire sur le site. Aux demandeurs d’emploi, il offre « l’acquisition de compétences et les moyens d’en donner la preuve aux entreprises ».

Tout commence par des tests sur la logique, les technologies, l’esprit critique et le niveau d’anglais, entre autres. Ça permet de se faire une idée du candidat et de l’orienter, s’il le faut, vers des formations complémentaires données en ligne par Kalibrr. Quand il le faut, ils sont orientés vers d’autres sociétés.

Négociations avec des grandes entreprises internationales

L’astuce tient à l’adéquation avec l’offre d’emploi. « Nous appliquons la rétro-ingénierie à cette dernière, » explique Rivera. « Nous les décomposons en compétences requises et en tâches à exécuter et nous transformons le tout en un curriculum que l’on peut apprendre. Nous sommes, que je sache, les seuls au monde à faire ce travail en ligne. »

La plateforme en est encore à ses débuts. Elle est en négociation avec différentes grosses entreprises (dont Accenture, HSBC et IBM) qui emploient 1 million de Philippins et ont du mal à trouver les qualifications dont elles ont besoin.

Le savoir des autres compte

Tests, formations et mises en relations sont gratuits. Ce sont les boîtes qui payent. « Nous gagnons de l’argent quand vous êtes employés, » leur explique Rivera. Essentiel dans un pays où il s’agit d’intégrer des travailleurs qui cherchent à améliorer leurs revenus mais n’ont guère d’argent à investir.

Et comme c’est gratuit, « nous leur demandons d’aider quelqu’un d’autre par la suite. » Les algorithmes c’est bien, mais le savoir des autres compte. Le mentorat, qui fonctionne en Inde, n’est pas applicable aux Philippines. « Nous n’avons ni mentors ni héros, » explique Rivera. « Leurs pères sont vendeurs ambulants et leurs mères employées de maisons à Hong Kong ou à Dubaï ». Même l’anglais, une des attraits des Philippines, n’est pas ce qu’il devrait être.

Les institutions d’enseignement n’évoluent pas assez vite

Et, curieusement, ça nous concerne. « Même les États-Unis souffrent d’une gigantesque inadéquation. Les institutions d’enseignement n’évoluent pas assez vite pour fournir les compétences recherchées par les entreprises. » C’est tout l’attrait d’une solution « à la Kalibrr » et la raison pour laquelle Y Combinator s’y est intéressé. Et, si ça marche, rien n’interdit d’appliquer la méthode à la formation continue dont nous avons tous besoin, pour nous maintenir à jour, partout dans le monde.

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J’enquête, je suis et j’analyse les technologies de l’information et de la communication depuis la préhistoire (1994). Piqué par la curiosité et l’envie de comprendre ce que je sentais important,...