L’un des secrets officiels de Silicon Valley est la confiance dans les autres, base de toute coopération. Elle explique que les guerres entre rivaux peuvent se transformer en coopétition (collaboration entre compétiteurs) et peut être illustrée avec la curieuse pratique du « pay forward« .
« Pay forward » est l’inverse de « pay back« , « rembourser ». Cela consiste à rendre un bienfait, non à celui qui vous l’a donné mais à quelqu’un d’autre. Il ne s’agit donc pas de rembourser mais, plutôt de « transbourser ».
Apparue dans une comédie de Ménandre (Le râleur, 317 AC) l’idée à été reprise en 1784 par Benjamin Franklin qui y voyait, entre autres vertus, celle de faire « une bonne dose de bien avec peu d’argent ».
Elle semble avoir joué un rôle important parmi certains conquérants de l’Ouest, obligés de faire confiance aux autres membres des caravanes avec lesquelles ils se lançaient vers ce qui allait devenir la Californie.
États-Unis et Canada sont en ce moment la proie d’une « vague » de « pay forward« , notamment dans les « drive through » ces restaus où l’on achète son repas sans sortir de sa voiture. Il est fréquent, selon le New York Times, que le geste soit repris d’un client à l’autre. Le record est de 228 chauffeurs qui ont, sans interruption, payé pour le suivant au drive. Explication des experts: c’est une façon de combattre les mauvaises nouvelles – blocage à Washington, espionnage de la NSA, guerre civile syrienne – et de montrer que nous ne sommes pas tous mauvais.
Le « pay forward » est, selon Victor Hwang entrepreneur de la Silicon Valley, au cœur de ce qui distingue sa région du reste du monde. C’est une des 7 règles à suivre pour créer un système innovant en suivant la métaphore de la « forêt tropicale » (voir son livre Rainforest, The Secret to Building the Next Silicon Valley) dans laquelle, loin d’administrer l’innovation, on réunit les conditions nécessaires à son apparition et on laisse – largement – faire.
Il ne s’agit pas de charité car les gens qui la pratiquent sont convaincus que « ça leur reviendra », un peu dans le sens du karma de bien des religions asiatiques.
Il en fait la base du « contrat social » qu’il propose a tous ceux qui veulent créer une culture de l’innovation. Chacun doit s’y engager à transbourser tous les bienfaits dont je suis l’objet », ainsi « pour toute heure de conseil que je reçois, je m’engage à donner une heure de conseil à quelqu’un d’autre ». Mais surtout « Je ferai confiance aux autres avant d’attendre de recevoir leur confiance. »
Je suis sceptique face à tous ces récits roses concernant l’ambiance des milieux d’affaires à Silicon Valley mais, quand je lui ai demandé comment il conciliait la notion de « pay forward » avec le fait que le livre préféré des acteurs de la région est « l’Art de la guerre » de Sun Tsu, il m’a répondu que le livre « traite des comportements pour résoudre des problèmes, depuis la collaboration jusqu’à la confrontation. Et Sun Tzu insiste sur le fait que trouver les moyens de résoudre les problèmes par la collaboration est beaucoup plus productif. »
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