Aujourd’hui tu veux nous parler de trois histoires différentes qui ont à voir avec l’accès à l’internet. De quoi s’agit-il?

Il s’agit d’un mélange d’expérience personnelle et de réflexions sur la condition connectée qui nous caractérise de plus en plus… avec ses bons et ses moins bons côtés

Le premier exemple est le plus récent : il s’agit de la réalisation du premier pistolet opérationnel fabriqué avec une imprimante 3D. Il a été réalisé par un groupe d’étudiants d’Austin au Texas avec une imprimante qui coûte 8000 dollars c’est à dire 6000 euros. Ils y ont travaillé un an et ont pu réaliser le premier tir réel samedi de la semaine dernière.

Je te rappelle que les imprimantes 3D produisent des objets en fondant des couches de plastique les unes sur les autres. Dans le pistolet en question seul le percuteur est en métal. L’objet est produit en suivant les informations d’un plan virtuel.

Les gens qui militent pour le contrôle des armes à feu aux Etats-Unis s’inquiètent de la possibilité d’en produire chez soi et de son extension probable à mesure que les imprimantes 3D gagneront en qualité et baisseront en prix.

Selon la BBC — dont je tire l’information — l’initiateur du projet reconnaît volontiers qu’un tel pistolet peut causer du mal à des tiers. C’est bien ce dont il est question ajoute-t-il « c’est un pistolet ».

Je précise que la production d’armes personnelles est légale aux Etats-Unis. Ce qui ne serait pas c’est de les vendre. Mais c’est là que les imprimantes 3D changent tout puisque chacun peut produire la sienne. Le groupe qui s’appelle « Défense distribuée » a l’intention de rendre le plan du pistolet accessible à tout le monde.

J’espère que ton deuxième exemple est moins inquiétant que celui là

Il s’agit des lunettes Google que je n’ai pas encore essayées, hélas, mais sur lesquelles les opinions abondent. Les fans ne manquent pas, bien évidemment. Ils sont fascinés par le fait d’avoir enfin un objet qui permet de tirer le plus grand parti de la connection en permanence.

Les lunettes en question permettent en effet de lire ses mails, interroger une carte ou Wikipédia et s’informer sur la personne qu’on a en face de soi sans avoir besoin d’être devant son ordinateur ou de regarder son téléphone.

Celui qui les a sur le nez peut aussi filmer ou enregistrer ses interlocuteurs à leur insu et c’est là que les défenseurs de nos libertés et de la vie privée s’inquiètent.

Mieux encore, un bar de Seattle, certains casinos de Las Vegas les ont interdites avant qu’elles n’arrivent. Les législateurs de l’État de Virginie envisagent de passer une loi dans ce sens

Ce qui me paraît fascinant dans ce cas c’est que l’univers connecté qui s’ouvre à nous est tellement réel que le seul fait de l’imaginer pousse des gens à l’acquérir ou à l’interdire avant même d’en avoir fait l’expérience.

Et ton troisième exemple ?

Il est personnel et moins High tech : je viens d’assister à un match du Barça le club de foot légendaire de Barcelone. Je suis loin d’être un fan, mais je suis sur le point de m’installer à Barcelone et le moins que je puisse faire c’est d’aller dans le Camp Nou, le stade que la plupart d’entre nous connaissons, ne serait-ce que par écran de télévision interposé.

De là, je me suis amusé à comparer les trois types d’expérience : télé, web et gradins du stade.

  • La télé me permet de voir plus précisément les détails du match et de revoir les moments les plus importants… mais à son rythme.
  • Le web me permet d’avoir toutes les informations que je veux, si je veux, quand je veux, c’est à dire une perspective personnalisée. MAIS
  • Les gradins du stade me donnent la vision d’ensemble du match à mesure qu’il se déroule et l’émotion partagée avec le reste du public

Tout cela est complémentaire mais mal intégré. On peut maintenant avoir accès à la télé et au web. Mais dans le stade, ce que j’aurais voulu c’était voir le match à côté des fans du Barça ET voir sur ma tablette les détails qui m’avaient échappé quand j’étais distrait ou parce que j’étais trop loin.

Pour de multiples raisons c’est encore difficile et c’est dommage

Tout ceci t’inspire-t-il une réflexion d’ensemble ?

J’y vois des illustrations du fait que nous avons tort de distinguer ce que nous appelons « le monde réel » et ce que nous appelons « le monde virtuel ». Il s’agit – et nous en avons déjà parlé – de deux couches d’un même monde : celui dans lequel nous vivons de plus en plus.

Les plans de pistolet qui circulent sur le net se transforment en armes qui peuvent tuer. L’accès à l’information et l’enregistrement de vidéo que permettent les lunettes Google modifient nos relations humaines, celles que nous avons avec les gens assis en face de nous.

Ces deux cas peuvent nous exciter ou nous faire peur, mais dans le stade de Barcelone, je regrettais de ne pas avoir accès en même temps aux deux dimensions.

Comme quoi nous avons encore bien du mal à intégrer le rapport entre ces deux dimensions — comment elles peuvent agir l’une sur l’autre — mais il est urgent d’apprendre car c’est déjà, de façon plus ou moins prononcée, le monde dans lequel nous vivons.

Billet publié sur le site de l’atelier des médias, émission de RFI

J’enquête, je suis et j’analyse les technologies de l’information et de la communication depuis la préhistoire (1994). Piqué par la curiosité et l’envie de comprendre ce que je sentais important,...