Article publié dans le supplément Science&Techno du Monde daté du 16 juin

Quand le site de la revue Scientific American s’interroge sur les progrès de l’intelligence artificielle au cours du dernier demi-siècle, elle retient deux super ordinateurs d’IBM – Deep Blue (qui a battu le champion du monde des échecs) et Watson vainqueur à Jeopardy – plus une société israélienne inconnue : Mobileye. La puissance de cette dernière tient dans un chip d’à peine un centimètre carré baptisé le EyeQ. Mais son algorithme est capable d’interpréter en temps réel tout ce que voit une simple caméra fixée sur une voiture pour empêcher les accidents ou en réduire l’impact.Pour voir comment ça marche je suis allé faire un tour avec Ofir Atia, ingénieur de la compagnie. Faute d’essayer d’écraser un piéton (ça fait partie des tests… avec des mannequins) j’ai constaté que la caméra repère les véhicules, EyeQ calcule la vitesse relative du plus proche et celle de notre voiture et avertit par un gros beep quand on est trop près. Il freine (brutalement s’il le faut), sauf si le conducteur donne un coup de volant. Il détecte les piétons sur le bord de la route et freine automatiquement s’ils traversent pour éviter l’accident ou, si la vitesse est trop grande, en atténuer l’impact.Capable de faire plusieurs choses à la fois, à la différence des hommes (je ne parle pas des femmes), le système lit les panneaux de signalisation et indique la vitesse à respecter. Il signale quand on change de voie sans mettre son clignotant. La nuit, il change des codes aux phares en fonction de la circulation.La caméra « voit tout », le chip analyse ce que la caméra voit et donne des ordres aux actionneurs (actuators) qui avertissent, serrent les ceintures de sécurité ou freinent. Autant de contributions à ce que les spécialistes appellent la « conduite autonome », quand la voiture n’aura plus besoin de nous.Co-fondateur de Mobileye Amnon Shashua est professeur de vision par ordinateur et apprentissage machine à l’Université Hébraïque de Jérusalem. Il m’a affirmé avoir imaginé dès 1999 – date de la création de la société – qu’il serait un jour possible d’assurer la sécurité d’un véhicule grâce à une seule caméra – « pour la même raison que quand on ferme un œil on ne devient pas aveugle » – quand on était alors convaincu qu’il en faudrait deux (ce qui coûte beaucoup plus cher).La technologie de Mobileyese trouve déjà sur certaines voitures de GM, Volvo et BMW et sera bientôt offerte en option sur Citroën et Honda entre autres. En septembre, un total de 1 million de véhicules en auront été équipés.Shashua compte en outre sur les autorités étatsuniennes et européennes qui poussent à l’adoption d’appareils d’assistance à la conduite. À 150 dollars, le coût du dispositif complet se rapproche du chiffre magique de 100 dollars à partir duquel les constructeurs automobiles peuvent envisager de l’intégrer.Mobileye a été retenue récemment lors d’une exposition scientifique parmi les 45 inventions israéliennes les plus importantes. Et pourtant, m’a expliqué Shashua, « je savais [dès 1999] que l’algorithme pouvait être développé mais pas dans un milieu universitaire. » Il a donc créé sa propre société pour pouvoir réunir les fonds nécessaires avec l’aide de Yissum, le fond d’investissement de l’Université Hébraïque, en échange d’une participation au capital (equity). Les affaires vont bien et la compagnie pourrait être bientôt évaluée à 1 milliard de dollars selon le site israélien Ynetnews.com.Shashua est convaincu qu’à part dans la Silicon Valley l’innovation n’a vraiment lieu qu’en Israël. « C’est dans notre ADN comme nation, « explique-t-il « à la différence de ce qu’on voit en Europe ou en Inde. Nous avons les algorithmes les plus avancés. En informatique, Israël est un empire ».

J’enquête, je suis et j’analyse les technologies de l’information et de la communication depuis la préhistoire (1994). Piqué par la curiosité et l’envie de comprendre ce que je sentais important,...