Article publié dans le supplément Science&Techno du Monde du 17 décembre 2011

Espace ouvert pour geeks, investisseurs, entrepreneurs et hackers de Nairobi (Kenya), le iHub est un endroit presque mythique pour tout le continent. Il est associé à la naissance d’Ushahidi, le logiciel africain le plus connu dans le monde. Utilisé dans plus de 20.000 cas, il permet de dresser des cartes sur lesquelles chacun peut rapporter les bureaux de vote où l’on fraude (dans l’Égypte de Moubarak) aussi bien que les points où trouver des secours en cas de catastrophe comme à Fukushima.Les gens qui l’ont lancé, en 2008, formaient une petite communauté habituée à se réunir, faute de mieux, dans des cafés et autres salles de conférences. Jusqu’au jour où ils ont eu envie d’un toit qui leur soit propre. »Nous ne voulions pas qu’Ushahidi soit le seul succès en provenance du pays » m’a expliqué Tosh, le community manager du iHub. « Nous étions convaincus que, sur la base de l’open source, notre communauté pouvait apporter une contribution plus importante. »Contrairement à d’autres qui commencent par acheter des meubles dès qu’ils ont un espace, l’équipe a installé d’abord des lignes à haut débit (20 MOps aujourd’hui). « Les gens sont vite venus ce qui illustre l’importance du besoin ». Les lignes ont été saturées et il a fallu s’organiser.iHub compte maintenant plus de 5000 membres qui n’ont pas tous le même statut, la même couleur. L’immense majorité est constituée par les blancs. Ils sont la communauté virtuelle, ont accès à l’information et aux discussions mais pas aux espaces physiques. Les verts, près de 250, ont accès à tout gratuitement mais doivent renouveler leur candidature chaque année. « Nous voulons ceux qui font, pas ceux qui parlent, » m’a expliqué Tosh, « et nous voulons voir ce qu’ils font, comment ils tirent parti du iHub ».Pour un bureau « semi permanent » et un casier, les 10 rouges payent 85 € par mois, pendant un maximum de 6 mois.L’intérêt est « d’avoir à portée de la main des individus brillants partageant les mêmes intérêts, ayant la capacité de développer des sites webs, des applications mobiles ou du design de qualité. Nombre de belles choses sortent des conversations qui se tissent au hasard. L’essentiel est d’avoir directement accès aux idées qui surgissent dans cet espace collectif. »Outre la présence des autres, une partie essentielle de la dynamique provient des évènements spéciaux organisés autour d’entreprises installées, d’individus notables, d’activités collectives, telles que conférences, hackatons et autres ateliers.La recette est moins simple qu’il n’y paraît comme le découvrent tous ceux qui se lancent sur la même piste. Plusieurs éléments semblent avoir joué un rôle déterminant. Les deux premiers, mis en avant par Tosh lui-même sont le soutien du gouvernement et le fait qu’un grand nombre de kenyans s’intéressent aux TIC. Plus important encore est la préexistence d’une communauté « d’indépendants, de free lances. C’est leur interaction qui a créé la communauté ».Le financement (en millions de dollars sur plusieurs années) et les conseils apportés par le Omidyar Network, du fondateur d’eBay, a grandement aidé. J’ai été également frappé par l’existence d’un secteur recherche qui montre bien qu’il ne suffit pas d’offrir des lignes à haut débit à une bande de geeks. Il est essentiel de travailler à l’objet lui-même d’un tel lieu: comment aider des gens qui en ont envie à collaborer de la façon la plus riche possible.Enfin, attracteur pas si étrange que ça, iHub sert aussi d’aimant pour toute une gamme d’initiatives qui se retrouvent à d’autres étages du même immeuble : des incubateurs comme Nailab pour les entrepreneurs sociaux et m:lab pour ceux qui se spécialisent dans le mobile, entre autres.

J’enquête, je suis et j’analyse les technologies de l’information et de la communication depuis la préhistoire (1994). Piqué par la curiosité et l’envie de comprendre ce que je sentais important,...