Très sympa, pas totalement convaincant, Aly Rafea m’a appris ce matin un secret qui vaut de l’or. Il est le fondateur de Bey2ollak.com une application « qui permet aux gens de partager des informations sur la circulation dans les principales rues du Caire et d’Alexandrie [la seconde ville du pays], » m’a-t-il expliqué. Bey20llak se traduit à peu près par « ce que les gens disent » et le « 2 » remplace une sorte d’accentuation – le hamza – inexistante sur les claviers latins.

Lancée sur Blackberry, puis iPhone, puis Androïd, l’application est maintenant disponible sur la plupart des Nokia qui sont la majorité en Égypte. Pas de GPS, ni de carte. L’utilisateur cherche le nom de la rue ou de l’autoroute qu’il veut prendre et trouve les commentaires de ses semblables sous forme de textes. L’état de la circulation est classé en 5 catégories en fonction de la fluidité. Il peut dire ce qu’il voit. 100.000 personnes utilisent le service lancé, comme il se doit pour des geeks le 101010, le 10 octobre de l’année dernière.

Rafea a 23 ans, il est diplômé en informatique et a lancé sa boîte avec quatre membres de sa famille.

J’ai du mal à comprendre leur choix de commencer par les smartphones dans un pays où ils sont encore très peu nombreux et de ne pas utiliser les SMS.

Réponse : « L’innovation pour nous a consisté à choisir la simplicité. Peu de gens savent lire les cartes, alors nous avons choisi le système le plus simple possible. Les Égyptiens accepteraient sans doute de recevoir des SMS mais pas de les envoyer ça n’est pas assez facile d’utilisation. »

Je dois dire que je n’ai pas trouvé son explication péremptoire après avoir vu comment d’autres utilisent les mêmes SMS à Dakar, Accra ou Nairobi (voir le billet sur m-farm au Kenya, par exemple).

C’est alors que, poussé dans ses retranchements, il m’a révélé que le clé de son travail n’est ni le crowdsourcing, ni la technologie : « Il y a la simplicité bien sûr, mais l’essentiel c’est la langue. Nous avons choisi de nous lancer ni en arabe, ni en anglais, mais dans cette langue de l’internet que les jeunes arabes utilisent et que ni ma mère ni mon père ne comprennent. » Cet arabe qui s’écrit en lettres latines complétées de chiffres pour celles qui manquent et qui a son propre vocabulaire.

« Le secret, » a-t-il ajouté, « c’est l’argot ».

Évident mon cher Francis quand il s’agit de médias sociaux !

Merci 3ly (c’est ainsi qu’il écrit son nom).

Quelles leçons pourrions-nous en tirer?

[Photo de Aly Rafea par Francis Pisani, capture d’écran de Bey2ollak.com]

 

J’enquête, je suis et j’analyse les technologies de l’information et de la communication depuis la préhistoire (1994). Piqué par la curiosité et l’envie de comprendre ce que je sentais important,...