Le « double dip », le rebond de la récession qui menace, pourrait fort bien entrainer une accélération de la digitalisation de nos modes de production et de vie. Cela vaut pour les entreprises (et les travailleurs) comme pour les consommateurs.

Les entreprises d’abord: nombre d’entre elles en profitent pour accentuer leur recours aux technologies digitales (TD) en quête de gains de productivité.

C’est le genre d’approche encouragée par Dean Garfield de l’Information Technology Industry Council des Etats-Unis. Il s’appuie sur l’histoire: « Deux des récessions les plus importantes des 30 dernières années – 1981-82 et 1990-91 – ont été directement attenué par la naissance du PC et de l’internet ». Pour conclure que la high-tech est « notre meilleur espoir de prévenir une récession double ».

Le secteur se porte bien: les capital risqueurs financent les start-ups. Les introductions en bourse se font avec succès (LinkedIn, par example). Mais le plus fort remarque Matt Rosoff de Business Insider c’est que les très grosses boîtes se sont montrées conservatrices en dépensant peu au cours des derniers mois. Résultat elles sont 8 (de Apple avec 76 milliards à IBM avec 12 millliards en passant par Microsoft, Cisco, Google, Oracle, Dell et Hewlett-Packard) à avoir plus de 10 milliards de dollars dans leurs coffres… de quoi voir venir.

La seconde approche – celle des utilisateurs et des consommateurs – est notre recours croissant aux TIC.L’évolution des dépenses des consommateurs américains depuis 2007 (la dernière récession) est révélatrice: ils dépensent 28% de moins pour la poste et les frais de « livraison ». C’est la coupe la plus claire alors que l’augmentation de dépenses la plus importante concerne les téléphones mobiles: + 31%. Au niveau mondial la vente des smartphones a augmenté de 74% en un an.

Ppar contre, près de 200.000 Américains – baptisés « coupeurs de corde » (cord cutters) ont arrêté de payer pour la télé au deuxième trimestre de cette année alors que le temps passé à voir des programmes de télé augmente… sur l’internet.

Tout indique par ailleurs que si nous sortons moins nous avons plus recours à Facebook pour rester en contact avec nos amis. L’accès aux informations et aux autres se fait avec des débits croissants depuis des appareils plus petits, plus puissants et moins chers (parfois).

Notons au passage que ce repli sur le digital peut s’accompagner, comme le fait remarquer Janko Roettgers sur GigaOm, d’un retour de la piraterie. Rien d’inquiétant pour les grosses boîtes. Il s’agit pour l’essentiel de futurs clients qu’un peu de harcèlement savamment mené avec l’aide des gouvernements complaisants amènera à payer leur obole… une fois la situation économique stabilisée.

En fait la récession s’accompagnera inévitablement d’une avancée de certains pays émergents ayant investi dans les TIC. L’élément nouveau est que cela n’est plus seulement dû au prix des matières premières ou à la main d’œuvre bon marché.

Thomas Friedman le dit très bien dans le New York Times du dimanche 14 août: « La fusion de la globalisation et des TIC entraîne d’énormes gains de productivité, surtout en période de récession quand les employeurs trouvent plus facile, moins cher et plus nécessaire que jamais de remplacer la main d’œuvre avec des machines, des ordinateurs, des robots et des travailleurs étrangers talentueux. C’était généralement la main d’œuvre étrangère pas chère qui était facilement accessible; maintenant c’et aussi le cas du génie étranger bon marché. »

C’est particulièrement vrai pour les technologies digitales.

J’écris ça d’une manière tranchée mais ils est évident qu’il y a place pour le doute… notamment dans le cas des entreprises européennes dont je ne suis pas sûr qu’elles profitent de la récession pour gagner en productivité. Vous voyez ça comment?

[Photo Flickr de Steve Rhodes]

J’enquête, je suis et j’analyse les technologies de l’information et de la communication depuis la préhistoire (1994). Piqué par la curiosité et l’envie de comprendre ce que je sentais important,...