Le vrai test, quand on s’interroge sur l’importance de la révolution digitale, n’est peut-être pas de déterminer si elle dépasse l’invention de l’imprimerie ou l’introduction de l’écriture. J’ai tendance à croire que oui mais reconnais volontiers que le doute est permis.

L’enjeu me semble plutôt se situer au niveau du récit, de la narration, de ce qui, depuis toujours permet aux humains de transmettre le sens et que les Américains appellent «story telling».

Je me demande si, dans le domaine du journalisme en tous cas, nous ne sommes pas en train d’assister à un bouleversement radical: le compte rendu sous forme de flux à côté des histoires structurées de toujours.

La couverture «live» des événements se fait maintenant par micro-messages sur le modèle Twitter comme nous avons pu le voir dans le cas des attentats de Mumbai , ou, sur LePost.fr, pour l’élection de la première secrétaire du PS .

Avant de lire les articles structurés avec un début, un milieu et une fin, nous nous plongeons avec plus ou moins de fascination dans une «rivière» de nouvelles, toutes fragmentaires et chacune d’un seul bloc.

Nous passons ainsi d’Atistote, maître du récit classique à Héraclite, philosophe des flux et du changement. Au lieu de confier à qui parle le soin de nous proposer un sens, nous l’extrayons nous-même, au fil de notre lecture.

En septembre de l’an dernier Jeff Jarvis a pu écrire que l’article «pierre constitutive» (building block) du journalisme devait céder la place au «thème» (topic) , un sujet actualisé et suivi de manière cumulative.

Les deux notions ne sont pas incompatibles, mais je me demande si nous ne devons pas aller plus loin en introduisant cette notion de “récit  en flux” sans milieu, dont le début et la fin sont imposés par des évènements extérieurs.

Qu’en pensez-vous?

J’enquête, je suis et j’analyse les technologies de l’information et de la communication depuis la préhistoire (1994). Piqué par la curiosité et l’envie de comprendre ce que je sentais important,...