sharecroppers-libcongress-wikipedia.1184309239.jpg Le crowdsourcing, auquel j’ai consacré un billet hier, est à la fois la promesse d’un monde ouvert reposant sur le partage et la collaboration et une trop belle opportunité de faire travailler des volontaires sans avoir à les payer (ou en les gratifiant d’une misère).

Les deux faces sont bien réelles et ont de quoi nous confondre.

Quand ils ne s’ignorent pas, les tenants des deux écoles s’injurient comme il leur arrive de le faire à Laurence Lessig et à Nicholas Carr .

Plus modéré, le chroniqueur canadien Mathew Ingram a demandé lors d’un débat qu’il organisait « si le crowdsourcing est autre chose qu’un métayage numérique (digital sharecropping ) ». La métaphore est d’autant plus violente que la pratique s’est généralisée aux États-Unis juste après la guerre civile pour obtenir des esclaves qu’ils continuent à cultiver les terres, en leur prenant une part léonine de leur production et sans les payer pour cela.

Invité à répondre à la question, Jeff Howe qui prépare un livre sur le crowdsourcing et passe pour son avocat le plus convaincu, a bien été contraint de répondre qu’elle était légitime. Il écrit même que « le modèle contient un potentiel d’inégalité » mot qu’il préfère prudemment à celui d’exploitation.

Le nombre d’entreprises y ayant recours ne pouvant qu’augmenter Howe conclue qu’il « est important que la communauté qui produit les biens ait son mot à dire dans la façon dans la compagnie est gérée et dans la façon dont elle est payée ».

Qu’en termes galants ces choses là sont dites…

Deux choses me semblent relativement claires:

  • La possession des octets n’ayant pas du tout les mêmes implications que la possession des atomes, il est légitime d’en attendre d’autres économies reposant, pourquoi pas, sur le partage et sur l’échange. Ça vaut la peine de chercher.
  • Il est tentant d’abuser de ce monde qui se cherche encore pour exploiter notre envie de découvrir, l’innocence de certains, le manque de maturité du processus d’ensemble.

Howe signale qu’à mesure que les gens seront « plus conscients de la valeur de leurs contributions, ils commenceront à vouloir voir des formes de récompenses à la mesure de leurs contributions ».

Ne rêvons pas. C’est la question du pouvoir qui est ici posée. Comme ces choses là ne se donnent ni ne s’accordent, des conflits semblent inévitables. Ils devraient émailler notre actualité à relativement court terme. Il sera intéressant de voir sur quelles formes d’organisation ils s’appuieront.

Vous en pensez quoi, de cette dualité du crowdsourcing et de ces conflits que je crois inévitables?

[Photo de la Library of Congress trouvée sur Wikipedia ]

J’enquête, je suis et j’analyse les technologies de l’information et de la communication depuis la préhistoire (1994). Piqué par la curiosité et l’envie de comprendre ce que je sentais important,...