bouquiniste-fkr-pascal_b.1183589569.jpg Par Josh Moleskine

Sur Transnets comme sur d’autres blogs, j’en ai plus qu’assez de votre bruit assourdissant qui bousille le vivant. Vos nouveaux supports, vos nouveaux comportements, vos nouvelles addictions traduisent une certaine utopie. Elle me donne envie de vomir.

Le matin, vous croquez de l’aillephone au jus d’aimepis fris, puis vous maillespècez, ibeillez, amazaunez, ioutioubez, puis à midi, vous iahouhisez! et vous diggisez le tout dans le cookie. Le soir venu, vous bloguez comme une « Tu Meur », devenant les nouvelles grenouilles les plus célèbres et les plus photographiées, car les plus délétères et les plus photocopiées. Et enfin, vous vivez une SecondeVie la nuit après la mort de votre PremièreVie le jour.

Vous dégoûtez car vous mourez. La novlangue gagne du terrain.

J’oubliais. Ça gougle à la mort et ça wikipète à tour de fesses. Avec de gros morceaux dedans.

Et si vous reveniez à l’instrument de musique en bois, au son de la voix, au regard des enfants, à la chaleur du soleil, aux couleurs du printemps, au pique-nique entre amis, à la fraîcheur du soir qui tombe sur notre peau. Et au plaisir de lire des livres. Des romans.

Je sais, aujourd’hui, c’est trop dur, hein ?

Dites, est-ce que vous supporterez encore l’odeur du vieux poche décoloré de chez le bouquiniste ? Dites-moi, j’attends votre réponse. Comme des bibliothèques, vous vous en éloignez de ce parfum qui disparaît dans cet autodafé mondialisé.

Mais répondez-moi, vos Tim, Eric & Richard, vos Steve, Linus & Bill, vos Richard & Jimmy, vos Larry & Sergey, vos Tom & Chris, Jeff et tous vos chers petits copains, sont-ils vos nouveaux idéologues, vos nouveaux philosophes, vos nouveaux historiens, vos nouveaux Guides pour votre futur ?

Pour moi, c’est non. Mais vous, pauvres moutons que vous êtes, petit doigt sur la couture du pantalon, vous marchez au pas, aux bruits des reboots et aux coups des mises à jour. L’Histoire se répète encore et toujours.

Demain, c’est vous qu’ils mettront à jour.

Demain, quand vos connexions seront permanentes, quand l’interface Homme-Machine aura gagné vos veines, vos artères, vos neurones, votre peau, quand de vivants 0 et de vivants 1 pulseront vos cœurs, vos cerveaux vous rendant plus fort, que restera-t-il de vous vivant ? Pas grand chose.

Comment résisterez-vous alors à ces désirs d’appartenances à la race des Surhommes ?

Demain, ta vie, dis tu permets que je te tutoie, elle se vivra où et comment ? Dans du cuivre passant dans le même Tube. Entre tes déclarations d’amour à Julie et les revendications des extrémistes, entre ton mariage avec ta petite chérie et les WTC qui s’éclipsent, entre la naissance de ta fille et l’après-vodka du grand Sarkozy, entre tes vacances avec tata Pauline et une gorge coupée façon terroriste, entre la kermesse et sa pêche à la ligne et un camion qui fonce dans le public, entre l’anniversaire fêté en famille et les parterres de corps qui exposent leurs tripes à Madrid… Et toi, télécommande à l’air, fiérot avec ton Apple TV.

Et moi, je vomis. Ils sont cools tes amis qui te cultivent comme ça.

Mais dis-moi, tout ce blitz n’existe pas encore, pas vrai ?

Alors, Ami, maintenant que tu as, soi-disant, réussi ton Web 2.0 avec grandiloquence, participé à ce nouveau mouvement mondialisé de la pensée humaine, insufflé de nouvelles énergies créatrices et, soi-disant, libéré du bruit sourd des pays qu’on enchaîne, maintenant que tu en es là, sûr et fier de toi, torse bombé et droit tes bottes, et que tu voles à tue-tête, face au monde entier, ce faux Chant des Partisans 2.0, réussiras-tu à faire d’un silence, comme Mozart a su le faire après une note, encore du Mozart c’est-à-dire encore un chef d’œuvre ?

Silence 3.0…

Josh Moleskine (pseudo) est un informaticien qui s’intéresse aux signes et aux codes plus qu’aux tuyaux et au calcul. Il préfère rester anonyme pour ne pas avoir de soucis dans sa boîte. Josh a écrit un roman (en un mois). Du web, il aime que, « comme avec la littérature, l’objet fascinant c’est de changer le monde » m’a-t-il dit dans un échange Skype pour mettre au point son billet. J’ai vu sa gueule, mais je ne le connais pas. Ayant repéré ses commentaires au vitriol sur Transnets, je l’ai invité à crier haut et fort pourquoi… nous devons aussi nous taire.

[Photo Flickr de Pascal B. ]

J’enquête, je suis et j’analyse les technologies de l’information et de la communication depuis la préhistoire (1994). Piqué par la curiosité et l’envie de comprendre ce que je sentais important,...