La toile s’agrandit au galop, mais nous sommes en train de la rattraper. Telle est la conclusion optimiste à laquelle nous invite Jakob Nielsen grand spécialiste de « l’utilisabilité » (la mesure dans laquelle un produit peut vraiment être utilisé pour faire ce qu’il est censé faire) au terme d’une enquête sur le sujet. Il reste pourtant beaucoup de progrès à faire, pour en rendre l’usage facile pour tous.

San Francisco, Californie, 10.mai.04

Réalisée avec 69 participants aux États-unis et en Grande Bretagne (répartis par moitié entre expérimentés et débutants) que l’équipe de Nielsen observait un par un alors qu’ils opéraient, l’enquête a consisté à leur faire réaliser des tâches sur l’ensemble de la toile et sur certains sites choisis à dessein. Exemple de problème à résoudre sur le web: « Vous envisagez d’aller en vacances avec votre famille à Mazatlán au Mexique. Trouvez une offre attractive et dans vos moyens. » Parmi les tâches spécifiques à un site on leur demandait de chercher le coût du billet et les heures d’ouvertures du musée Getty à Los Angeles.

Le degré de réussite a été de 66% pour les tâches propres à un site donné et de 60% pour celles impliquant l’usage du web en général. Dans tous les cas le taux de réussite des débutants était à peine supérieur à 50% alors que les plus expérimentés réussissaient dans près de 70% des cas.

Ces chiffres représentent des progrès significatifs par rapport à une enquête menée en 1997 qui avait révélé un taux de réussite de 40%. « Le web devient plus facile à utiliser, » nous a expliqué Jakob Nielsen à l’issue de la présentation de son rapport lors d’une conférence tenue à San Francisco le 6 mai.

Le phénomène nouveau est l’importance accrue des moteurs de recherche. Dans 88% des cas, les usagers invités à réaliser une tâche sur la toile ont commencé par là. « C’est presque la seule chose qui compte, » affirme Nielsen (qui publie une chronique régulière sur son site www.useit.com). « Nous sommes maintenant capables de suivre la croissance de la toile. Elle grandit moins qu’au moment du boom des dotcoms à la fin des années quatre-vingt-dix, et la puissance des moteurs de recherche augmente plus vite car ils attirent les investisseurs. »

Selon l’enquête, les recherches sur l’ensemble de la toile sont couronnées de succès dans 56% des cas contre seulement 33% pour les recherches à l’intérieur d’un site déterminé (qui devraient pourtant être plus faciles). Conséquence pour les webmestres: ils doivent accorder plus de soin à cette fonction et à la façon dont elle est présentée. Les usagers s’attendent à la trouver et sont habitués à l’utiliser. ¨Ça n’est pas aussi évident qu’on pourrait croire, » explique Nielsen. « Les responsables de sites n’ont pas conscience des énormes difficultés auxquelles se heurtent les novices. Les sites gouvernementaux en particulier doivent d’être d’accès facile pour tous et doivent adopter des présentations plus simples. »

Les nouveaux venus représentent environ la moitié des internautes mais leur chiffre pourrait augmenter avec l’arrivée de tous ceux qui ne sont pas encore sur le web. Leur importance est illustrée par le fait que la moitié des usagers (51%) se contentent d’activer le premier lien qui leur est suggéré en réponse à une question posée. A peine un sur vingt va au-delà des 10 premières réponses. « Sur la toile, un site qui ne figure pas dans les dix premières réponses données par les principaux moteurs de recherche n’existe pas, » en conclue Nielsen.

Et pourtant, le public en sait chaque jour un peu plus sur l’internet. Sa culture en la matière s’accroît ce qui le conduit à l’utiliser de façon plus sophistiquée. Ainsi les questions posées en un seul mot représentaient 81% des demandes en 1994, elles ne comptent plus que pour 36% aujourd’hui. Les questions en trois mots sont passées de 14% à 36% et celles en 5 mots ou plus de 0% à 7%. « Un tel changement en si peu de temps est exceptionnel, » estime Nielsen.

Cofondateur du Nielsen Norman Group, la société de consulting en matière d’utilisabilité qui a organisé l’enquête, Jakob Nielsen ne semble pas craindre que les progrès réalisés en partie grâce à lui ne le conduisent au chômage. « Les gens qui cherchent à réaliser une tâche quelconque sur un site déterminé échouent encore dans un tiers des cas. Ce taux d’échec considérable représente des ventes qui échappent aux entreprises. Ça contribue en outre à ce que les gens ne se sentent pas vraiment à l’aise face à la technologie et ça alimente le stress social. »

Les chroniques de Useit

Nielsen Norman Group

J’enquête, je suis et j’analyse les technologies de l’information et de la communication depuis la préhistoire (1994). Piqué par la curiosité et l’envie de comprendre ce que je sentais important,...