Popularisée par SETI@home, qui met en oeuvre la puissance inutilisée de millions d’ordinateurs pour détecter la présence éventuelle de vie intelligente dans l’univers, l’informatique distribuée est en train de s’imposer dans des domaines de plus en plus variés et pourrait révolutionner, à terme, la façon dont nous concevons le traitement de l’information.

Au cours des dernières semaines, plus de 15.000 usagers ont téléchargé D2OL, un logiciel qui fait travailler leurs machines quand ils ne s’en servent pas pour chercher un traitement contre la pneumonie atypique (severe acute respiratory syndrome ou SARS en anglais). L’initiative revient au Rothberg Institute for Childhood Diseases de Guilford dans le Connecticut.

L’informatique distribuée – le fait de faire travailler ensemble différents ordinateurs – leur permet de tester des remèdes potentiels beaucoup plus rapidement que ne peuvent le faire des chercheurs dans un laboratoire.

La compagnie Rolls-Royce qui fournit aujourd’hui des moteurs pour avions, pour bateaux et pour centrales électriques a une idée comparable. Son modèle économique pour l’aviation est original puisque au lieu de vendre les moteurs elle se fait payer sur la base de la puissance délivrée par heure. Il est donc fondamental pour elle de savoir dès que possible qu’un moteur commence à présenter des problèmes pour le maintenir en activité constante.

C’est dans ce but que Rolls-Royce s’est associée avec des universités britanniques regroupées dans le projet Distributed Aircraft Maintenance Environment (DAME). DAME s’applique à recueillir les informations concernant chaque moteur en temps réel (environ 1 Go de données par moteur et par vol). Reste ensuite à les traiter, grâce au ‘grid computing’ pour détecter à temps les irrégularités sources de problèmes potentiels.

L’expérience de Rolls-Royce marque une inflexion technologique importante. Si chercheurs et universitaires tendent à utiliser la puissance de calcul d’un grand nombre de PC reliés à l’internet (ou leur capacité de stockage, dans le cas des services tel Kazaa, successeur de Napster), les industriels font plus volontiers travailler des serveurs connectés par intranet et intègrent directement programmes et machines. Ils marquent ainsi l’avènement du « grid computing ».

Un ‘grid’ (réseau) est en fait un des mots techniques utilisés pour désigner un ensemble de nodes connectés entre eux comme le sont les centrales électriques.

 » Le ‘grid computing’ établit une analogie avec le système de distribution d’électricité », explique Kevin Werbach, rédacteur en chef de Release 1.0 la publication d’Esther Dyson, l’une des plus reconnues dans le domaine de l’informatique. « Le courant produit par n’importe quelle source peut servir n’importe quel client qui en a besoin à l’intérieur d’une aire géographique considérable. » L’informatique est en train de prendre le même chemin.

C’est exactement le service que IBM (avec le soutien de Cisco entre autres) vient de lancer sur le marché le jeudi 1er mai. Les clients utilisent des quantités variables de puissance informatique en fonction de leurs besoins. Des logiciels de « virtualisation » coordonnent les activités des microprocesseurs, des logiciels et des disques durs qui peuvent être situés n’importe où dans le monde, comme s’il s’agissait d’une sorte de gigantesque ‘super ordinateur virtuel’.

Une des innovations les plus intéressantes du point de vue des clients est la Open Infrastructure Offering (OIO), un contrat qui intègre les coûts des machines, programmes et services fournis par IBM dans une seule facture mensuelle qui peut augmenter ou, fait radicalement nouveau, baisser en fonction de leur consommation. « Les clients ne pensent plus à l’informatique comme à une collection de pièces », a déclaré Sam Palmisano, nouveau PDG de IBM à ses actionnaires. L’informatique devient un service et les investissements tendent à baisser.

La technologie comme le modèle économique en sont encore à leurs débuts et il faudra plusieurs années avant qu’ils s’imposent. Mais l’évolution correspond à la réduction constante du prix des machines (Loi de Moore) comme à la mondialisation qui n’est autre que la coordination de la production en temps réel au niveau mondial par les grandes entreprises qui pourront ainsi acquérir une flexibilité accrue pour un moindre coût de fonctionnement.

A terme, nous pourrons utiliser l’informatique (internet, feuilles de calcul, courriel etc.) en branchant un appareil simple à une prise dans le mur ou, plus simplement encore, en attrapant les ondes radio permettant de se connecter sans fil au réseau des réseaux où résidera la puissance réelle de traitement de l’information.

SETI@home

D2OL Drug Design Optimization Lab

Rothberg Institute for Childhood Diseases

Rolls Royce

DAME (Distributed Aircraft Maintenance Environment)

J’enquête, je suis et j’analyse les technologies de l’information et de la communication depuis la préhistoire (1994). Piqué par la curiosité et l’envie de comprendre ce que je sentais important,...